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Dinkinesh s’adresse à un groupe de femmes réunies lors d’une conférence pour femmes enceintes dans sa communauté.

Le poste de santé du village d’Aze Debo organise une conférence pour les femmes enceintes chaque mois. Ces conférences accueillent une vingtaine de futures mamans comme si elles étaient des dignitaires. Elles s’installent à l’ombre des arbres et attendent la sage‑femme qui animera la discussion et leur communiquera des renseignements essentiels pour elles et leurs futurs nouveau-nés.

Une personne qui observe ce rassemblement peut s’imaginer qu’il s’agit d’une réunion de village typique. Mais le choix du mot « conférence » prend tout son sens : il confère à l’événement une importance qui motive les femmes à y participer. Les enjeux revêtent une grande importance. Pour améliorer la santé et la nutrition des mères et des nouveau-nés, tant dans cette communauté du sud de l’Éthiopie que dans l’ensemble du pays, il est essentiel de fournir des connaissances et un accès aux services aux futures mères, ainsi qu’une plateforme qui leur permet de partager leurs expériences.

« D’autres femmes ont raconté leur grossesse. J’ai beaucoup apprécié les témoignages personnels. »

— Dinkinesh, participante à la conférence des femmes enceintes

Le pays a fait des progrès importants pour réduire les taux de mortalité maternelle et néonatale, mais il reste bien des défis. Des études de l’UNICEF (en anglais seulement)  révèlent qu’en Éthiopie, une femme sur 267 meurt de complications liées à la grossesse, un nouveau-né sur 38 meurt au cours des quatre premières semaines et un nouveau-né sur 28 meurt avant son premier anniversaire. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (en anglais seulement), le manque de connaissances qui aideraient à prendre la décision d’obtenir des soins compte pour environ 40 % des décès maternels, alors que 22 % sont dus à des retards dans l’obtention de soins appropriés dans l’établissement de santé.

Wondwosen Retta est le chargé principal du programme pour la santé maternelle et néonatale et la nutrition de Nutrition International en Éthiopie. Une partie de son rôle consiste à assurer la qualité des conférences mensuelles. « Le manque de renseignements sur la nutrition et les pratiques saines entraîne souvent les complications liées à la grossesse », explique-t-il. Ces pratiques comprennent la supplémentation en fer et en acide folique, des soins prénataux tôt et pendant toute la grossesse, et l’accouchement en présence d’une personne qualifiée. « Les conférences nous aident à atteindre un grand nombre de femmes et de leur apporter le soutien dont elles ont besoin pour une grossesse saine. »

Le ministère de la Santé a lancé les conférences de femmes enceintes en 2013. Elles encouragent l’utilisation des services prénataux dans les centres de santé gouvernementaux. En 2017, Nutrition International a collaboré à la réorganisation du programme pour assurer la participation des femmes, des familles et des communautés dans les discussions sur la santé maternelle. Le programme a également mis l’accent sur les changements de comportement durables.

Un groupe de femmes enceintes sont assises sous des arbres en Éthiopie
Les conférences pour femmes enceintes permettent aux femmes de se réunir pour poser des questions, partager leurs expériences, s’informer sur les soins prénataux et se soutenir mutuellement tout au long de leur grossesse.

En collaboration avec le ministère, Nutrition International a élaboré un guide d’animation pour structurer les rencontres et soutenir le dialogue communautaire. Le guide comprend des éléments visuels pour améliorer la compréhension et s’accompagne d’une formation pour les sages-femmes afin de renforcer leurs compétences d’animation. On a également introduit des outils de suivi et de rapports pour améliorer la qualité des conférences et de la documentation. Cette nouvelle approche a désormais pris forme dans quatre États où Nutrition International opère : Amhara, Oromia, Sidama et la Région des nations, nationalités et peuples du Sud (SNNPR).

Les participantes assistent à une série de quatre rencontres où elles examinent comment bien prendre soin de leur santé et de leur nutrition pendant la grossesse et comment se préparer à l’accouchement. Elles apprennent également à surmonter les obstacles lorsqu’elles cherchent à obtenir des soins de santé et à reconnaître les signes de danger chez les nouveau-nés afin de prendre les mesures qui s’imposent. Ces rencontres offrent essentiellement aux femmes un espace où elles peuvent se réunir, faire entendre leur voix et se soutenir mutuellement pour avoir accès à des services de santé et de nutrition de qualité.

Partager des récits pour inspirer le changement

Dans le village d’Aze Debo, situé dans le district Kedida Gamela de la Région des nations, nationalités et peuples du Sud (SNNPR), Dinkinesh Tegegn nous accueille chaleureusement dans sa maison pour un entretien. Comme beaucoup de gens de cette communauté rurale, elle vit de l’agriculture. Dinkinesh travaille la terre, gère le foyer et s’occupe de son fils de trois ans pendant que son mari enseigne à l’école primaire locale.

A child sits between their mom and dad inside their home in Ethiopia.
Dinkinesh en compagnie de son mari Mathewos et de leur premier enfant. Dinkinesh n’a pas assisté aux conférences prénatales lors de sa première grossesse et souhaite recevoir l’information au cours de la deuxième.

Ayant entendu des agents de proximité et d’autres femmes enceintes parler des conférences, Dinkinesh a commencé à y assister lors de sa deuxième grossesse. Elle voulait apprendre à suivre sa grossesse, à reconnaître les signes de danger et à savoir quand demander de l’aide. Même si elle avait déjà vécu un accouchement, les conférences lui ont apporté de nouvelles informations.

« La plupart des femmes de mon village se rendent seulement au dispensaire lorsqu’elles sont malades », explique Dinkinesh, qui se souvient du premier signe de grossesse avec son premier enfant, un inconfort abdominal. « Je ne me sentais pas malade, alors je pensais que tout était normal. N’ayant pas reçu de soins prénataux, l’accouchement m’a apporté quelques surprises. »

A pregnant woman and midwife in front of a crowd of pregnant women seated outside during a pregnant women's conference in Ethiopia.
Une sage-femme anime les conférences. Elle fournit des conseils et encourage les femmes à partager leurs expériences et à apprendre les unes des autres.

Maintenant à sa deuxième grossesse, Dinkinesh s’est engagée à assister à toutes les conférences données à Aze Debo et à se rendre à ses consultations prénatales. La sage-femme de la clinique lui a donné des conseils nutritionnels, des suppléments, des renseignements sur les salles d’accouchement et le numéro de l’ambulance en cas d’urgence. Dinkinesh a suivi tous les conseils, mais ce qu’elle a trouvé de plus précieux, c’est l’écoute de ses pairs lors des conférences.

« D’autres femmes ont raconté leur grossesse. J’ai beaucoup apprécié les témoignages personnels », dit-elle.

Chaque femme avait sa propre histoire. Certaines femmes ont expliqué qu’elles avaient de la difficulté à prendre régulièrement les suppléments de fer et d’acide folique. Certaines ont accouché prématurément, alors que d’autres ont donné naissance à un nouveau-né de faible poids ou ont vécu des difficultés associées à l’accouchement à domicile. Ces récits ont exposé les risques ainsi que les solutions. Pour Dinkinesh, c’est ce qui l’a attirée aux conférences et ce qu’elle en a retenu.

La conférence des femmes enceintes se veut interactive et dynamique. Les femmes entendent des témoignages et amorcent une réflexion par le biais d’une discussion en groupe, assortie d’un appel à l’action. Chaque participante s’engage à adopter une nouvelle pratique saine pour le mois à venir. Dinkinesh donne un exemple : « Si vous mangez normalement trois fois par jour, vous devriez viser quatre ou cinq repas quotidiens pendant la grossesse. Il faut de la variété, pas seulement de l’injera! (Aliment de base en Éthiopie, l’injera est un pain plat fermenté.) Vous devez inclure des aliments nutritifs comme le chou frisé, les carottes et les avocats. »

Dinkinesh dispose du soutien familial dont elle a besoin pour mettre ce conseil en pratique. Lorsqu’elle quitte ses visites prénatales, ses suppléments de fer et d’acide folique en main, elle sait que son mari lui rappellera de les prendre. Ils partagent les tâches ménagères, et c’est lui qui se charge des travaux les plus physiquement exigeants – aller chercher de l’eau et préparer la nourriture pour les animaux.

Mais comme le souligne Retta, ce n’est pas toutes les femmes qui peuvent compter sur une telle aide pendant leur grossesse. « Les femmes enceintes ont besoin de soins, d’une alimentation et d’un repos adéquats, mais de nombreuses femmes en Éthiopie assument de lourdes responsabilités au sein de leur foyer. Qui plus est, elles n’ont pas de pouvoir de décision sur leur propre santé et sur la manière de dépenser les ressources. »

Retta précise que les conférences de femmes enceintes aident à éliminer ces obstacles par la remise en question des normes sociales relatives à la santé maternelle et néonatale. L’objectif est d’autonomiser les femmes, de renforcer leur capacité d’agir et d’accroître le soutien qu’elles reçoivent de leur mari, de leur famille et de leur communauté.

Pour que les hommes participent au dialogue

La veille de chaque conférence mensuelle, les agents de santé communautaire font du porte-à-porte pour rappeler aux femmes de venir. La présence des maris est tout aussi importante, sauf qu’il s’avère plus difficile de les convaincre. Pour encourager leur participation, le programme fait appel aux personnes de confiance au sein de la communauté, notamment les chefs religieux et les aînés du village. Ces dirigeants assistent aux conférences et communiquent des messages importants afin de dissiper les mythes liés à la grossesse et les tabous alimentaires qui contribuent au risque de maladies telles que l’anémie ferriprive. Par exemple, les communautés chrétiennes orthodoxes pratiquent couramment le jeûne. Lorsqu’une autorité religieuse déconseille le jeûne aux femmes enceintes, les familles accepteront mieux ses conseils.

Le programme attire sans cesse l’attention du gouvernement en tant qu’initiative essentielle pour améliorer la santé maternelle et néonatale depuis sa refonte en 2017. Retta considère que ce programme sauve des vies, car il fournit des renseignements vitaux adaptés à la culture et faciles à comprendre. Bien qu’il reste beaucoup à faire pour transformer les normes de genre, il constate des progrès.

A pregnant woman stands outside. She is smiling to camera and her hands are on her stomach.
Dinkinesh a donné naissance à un bébé en bonne santé. Elle a proposé de revenir à une prochaine conférence de femmes enceintes pour partager son expérience de la grossesse.

« Certains maris soutiennent leurs femmes en s’occupant de tâches ménagères pour qu’elles puissent assister aux conférences », précise Retta. « D’autres accompagnent leurs femmes et amènent leurs jeunes enfants aux conférences. »

Lorsqu’on lui demande si elle a constaté des différences entre sa première et sa deuxième grossesse, Dinkinesh répond catégoriquement : « Oui, tant sur le plan physique qu’émotionnel ». Aujourd’hui, cette mère de deux enfants en bonne santé se dit prête à revenir dans le groupe pour partager son expérience.

« Mes conseils porteraient sur les avantages que j’ai tirés des conférences – les comprimés de fer et d’acide folique, les renseignements sur l’hygiène et les conseils nutritionnels », affirme-t-elle. « Je voudrais également encourager les femmes à donner naissance dans un centre de santé, où elles peuvent recevoir les médicaments et le soutien nécessaires.

Mais le soutien ne cesse pas à l’accouchement. Lors des conférences, les femmes prennent connaissance des services postnataux à leur disposition, notamment les conseils sur l’allaitement, les soins aux nouveau-nés et les vaccinations en temps voulu. Au final, l’objectif est de créer un environnement favorable aux femmes et aux nouveau-nés. Un environnement où les femmes partagent leurs expériences et apprennent les unes des autres alors qu’elles acquièrent des connaissances, des compétences et un soutien de qualité en santé et en nutrition.

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