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Allocution principale de l’ancien président de la République de Tanzanie et membre du conseil d’administration de l’Institut national de la statistique, Son Excellence Jakaya Mrisho Kikwete

C’est un grand honneur de prendre la parole à l’occasion de la 11e Journée africaine de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Je voudrais faire écho à l’appel à la mobilisation de l’événement : « L’Afrique doit s’alimenter d’elle-même. Aucun enfant ne doit aller se coucher le ventre vide ». 

Je félicite le Département de l’Économie rurale et de l’agriculture de l’Union africaine, l’Agence de développement de l’Union africaine et ses partenaires d’avoir rendu cette commémoration possible, malgré la pandémie de la COVID-19.

Contrairement aux années précédentes, la propagation de la COVID-19 à l’échelle mondiale nous empêche de nous réunir face à face. Avec plus de 40 millions de cas à travers le monde, les conséquences sanitaires et économiques de la COVID-19 sont très étendues, perturbant les chaînes d’approvisionnement, paralysant les économies et taxant les systèmes de santé du monde entier.

En Afrique, les conséquences pourraient être encore plus dévastatrices. Les systèmes de santé sont mis à rude épreuve et, dans certains cas, déjà surchargés, ce qui a des répercussions sur les personnes dont l’état de santé et de nutrition les rend déjà plus vulnérables.

C’est pourquoi ce rassemblement a lieu à un moment crucial. Avant la COVID-19, le fardeau mondial de la malnutrition se déplaçait vers l’Afrique.

Cette dernière est la seule région au monde où le nombre d’enfants souffrant d’un retard de croissance a augmenté au cours des 20 dernières années. Aujourd’hui, près de 60 millions d’enfants en Afrique souffrent d’un retard de croissance et, d’ici 2030, plus de la moitié des personnes sous-alimentées du monde vivront en Afrique.

Les conséquences de la malnutrition vont bien au-delà de la simple santé des personnes. C’est pourquoi les investissements dans la nutrition et dans nos systèmes alimentaires sont fondamentaux pour un progrès durable en Afrique.

Les femmes bien nourries sont en meilleure santé et ont des grossesses plus sûres. Les enfants bien nourris ont un système immunitaire plus fort, ce qui les rend plus résistants aux maladies.

Une bonne nutrition améliore le développement du cerveau des jeunes enfants, ce qui accroît leur capacité d’apprentissage. Les adolescents bien nourris ont plus de chances de rester à l’école, ce qui les aide à réussir leurs études. Cela signifie qu’ils peuvent obtenir de meilleurs emplois et augmenter leurs revenus tout au long de leur vie active.

Une population en bonne santé et mieux éduquée soutient la croissance économique et stimule le développement économique. Cela permet de briser le cycle de la pauvreté et de réaliser son plein potentiel.

Je crois que l’Afrique dispose de ressources diverses, d’un potentiel d’innovation et de créativité et des connaissances nécessaires pour exploiter de réelles améliorations en matière de santé et de nutrition de nos populations.

Le cadre du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine pour la sécurité alimentaire en Afrique, lancé en 2009, fournit une feuille de route pour s’occuper des populations vulnérables souffrant d’insécurité alimentaire chronique, touchées par diverses crises et situations d’urgence. Je pense que vos rencontres de dialogue technique d’hier vous ont permis de comprendre comment tirer les leçons de nos réussites, afin de réduire la faim et la malnutrition.

En tant que continent, nous devons développer des systèmes alimentaires résilients qui produisent des aliments nutritifs adéquats. Cela permettra, à terme, d’améliorer l’état nutritionnel de nos populations, en particulier des enfants.

L’Afrique dépend encore de cultures de base très limitées. Il est temps de changer les systèmes alimentaires de la région. L’Afrique doit investir dans l’utilisation de la science et dans les innovations fondées sur des données probantes dans la production agricole, l’élevage et l’aquaculture, qui permettent d’améliorer la nutrition et la santé.

Alors que nous réimaginons nos systèmes alimentaires, nous devons nous attaquer à la malnutrition qui touche nos populations actuellement, car la prévention est plus efficace et moins coûteuse que le traitement.  Nous devons rejoindre les personnes avant qu’elles ne soient malades, avant qu’elles ne souffrent de malnutrition, avant qu’elles ne souffrent d’un retard de croissance et que leur potentiel n’en soit ainsi pas limité.

Cela signifie qu’il faut donner la priorité aux interventions nutritionnelles essentielles et vitales qui ont l’impact le plus important à moindre coût. Cela inclut la promotion de l’allaitement maternel exclusif, qui fait souvent office de premier vaccin pour les bébés. Cela signifie qu’il faut veiller à ce que chaque enfant de moins de cinq ans qui en a besoin reçoive deux doses de vitamine A. Et que les adolescentes et les femmes enceintes reçoivent le fer dont elles ont besoin pour combattre l’anémie et assurer des grossesses plus saines et plus sûres.

Nous devons également examiner le lien entre l’alimentation et la nutrition, des domaines comme le bioenrichissement génétique et l’enrichissement des aliments de base. Tout en veillant à ce que ces aliments enrichis soient utilisés dans des programmes qui ciblent les personnes qui ne peuvent pas obtenir ou se permettre des régimes alimentaires nutritifs.

Tous ces éléments sont essentiels pour préserver l’immunité et la santé de notre population; ils sont parmi les plus faciles à se procurer pour les gouvernements. Pourtant, une proportion importante de nos populations en a besoin et ne les reçoit pas. Nous pouvons changer cela sur tout le continent africain si nous nous y mettons.

Aujourd’hui plus que jamais, les investissements dans les systèmes alimentaires et les mesures nutritionnelles sont essentiels. Nos dirigeants et nos décideurs doivent poursuivre ces deux objectifs en tandem. Car nous ne pouvons pas seulement remplir l’estomac de nos enfants. Nous devons nourrir leur cerveau. Nous devons renforcer leur système immunitaire. Et nous devons alimenter leur croissance. C’est seulement ainsi que nous pourrons assurer leur avenir.

Parce que les investissements dans la nutrition et l’alimentation sont des investissements dans notre santé, notre éducation et notre économie.

C’est pourquoi, en cette commémoration spéciale de la Journée africaine de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, j’exhorte les 55 États membres de l’Union africaine à relever les défis contemporains que pose la mise en œuvre des interventions de sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique par des actions concrètes et immédiates.

Le gouvernement, les partenaires de développement et le secteur privé ont un rôle important à jouer pour garantir que des aliments nutritifs soient accessibles, abordables et durables et que les interventions nutritionnelles vitales parviennent à ceux qui en ont le plus besoin.

Il est nécessaire de rationaliser le financement, l’institutionnalisation et les systèmes afin de mieux contrôler les exploitations pour lutter contre la malnutrition sous toutes ses formes, plutôt que de poursuivre des approches fragmentaires dans chaque pays. Je veux parler d’une mesure similaire à la réponse au VIH/SIDA que nous avons collectivement adoptée avec beaucoup de succès.

J’invite les gouvernements de l’UA à:

Élaborer « des politiques et des investissements visant à diversifier la production alimentaire, en abandonnant les céréales de base au profit d’une production plus diversifiée de cultures autres que de base, et à améliorer les chaînes de valeur pour accroître les revenus des petits agriculteurs ».  Nous avons besoin de cadres réglementaires et politiques, ainsi que des instruments fiscaux pour garantir des régimes alimentaires plus sains. De plus, les gouvernements devraient mettre en place des systèmes de contrôle et de responsabilité adéquats et durables.

Veiller à ce que les services de nutrition, de prévention et de soins soient pleinement intégrés dans les plans nationaux du secteur de la santé, soutenus par une approche multisectorielle renforcée. Les services de nutrition essentiels devraient faire partie de l’ensemble normalisé des services de santé disponibles, universellement accessibles à tous.

J’invite le secteur privé à promouvoir une alimentation saine et à prévenir les régimes alimentaires malsains qui sont préjudiciables à la santé de nos populations. Les industries alimentaires devraient s’efforcer de rendre les aliments nutritifs plus accessibles et plus abordables pour les consommateurs, et contribuer ainsi à l’amélioration des régimes alimentaires et de la santé. Nous devons également réduire le gaspillage alimentaire, en particulier dans les supermarchés et les épiceries, par exemple en reliant les soupes populaires et les centres d’alimentation aux supermarchés et aux épiceries.

J’invite les donateurs et les partenaires du développement à financer, contrôler et suivre les progrès réalisés dans la lutte contre la malnutrition dans les pays africains. Il s’agit notamment de mener des interventions nutritionnelles vitales et de mettre en place des systèmes alimentaires sains, durables et équitables.

Mesdames et Messieurs, l’accès à une alimentation adéquate ne devrait pas être un privilège en ce siècle. Nous devons travailler ensemble pour enrayer la faim et la malnutrition. Le moment est venu d’adopter le programme de nutrition comme la solution et la réponse au développement de l’Afrique. Nous devons nous engager dans une décennie de mesures en faveur de la nutrition en Afrique.

Nous devons donner la priorité à la nutrition et moderniser nos systèmes alimentaires en Afrique si nous voulons atteindre nos objectifs communs, qu’il s’agisse des objectifs de développement durable ou de ceux que nous nous sommes fixés dans la déclaration de Malabo.

J’attendrai avec impatience le communiqué de cet événement et la mise en œuvre des recommandations des différents groupes thématiques.

Je vous remercie tous pour votre participation et pour m’avoir écouté.

MERCI!

 

Référence :

Global Nutrition Report 2020